mercredi 5 octobre 2011

L'effet de levier du crédit vu de façon mathématique.


Passionné d'investissements et également professeur de mathématiques enseignant en terminale S, je n'ai pu m’empêcher de donner à mes chers élèves un devoir maison sur l'effet de levier via le recours au crédit. Cela m'a forcé à mettre les choses bien à plat, et a me poser à moi même certaines questions sur cet effet de levier.
D'abord le DM en question.
Sur le principe, on emprunte une somme à 4% (taux mensuel proportionnel) pour la placer à 6% (taux mensuel proportionnel aussi) sur un livret bancaire aussi fictif qu'improbable. On est dans un monde parfait des mathématiques, je reçois mes intérêts tous les mois, je m'intéresse juste aux résultats.
Je pars sur un effort d'épargne de 200 € par mois afin de comparer le comparable, et d'illustrer la notion cachée de TRI  (à effort d'épargne égal, qu'est-ce qui me rapporte le plus).

Stratégie n° 1 :

Un effort d'épargne de 200 € par mois sur 20 ans me permet d'emprunter 33004,37 € (à 4%). Si je place cette somme sur mon livret magique et que je laisse les intérêts faire boule de neige tout en payant mon crédit à coté, je récolte 109251 € au bout de 20 ans. Ce résultat est à comparer à ce que je récolte si je place 200 € par mois sans crédit sur mon livret magique : 92408 €. Soit presque 17 000 € de gain avec cette façon d'utiliser le levier du crédit.
Cette situation illustre ce qu'il se passe parfois quand un investisseur fait un crédit consommation pour placer l'argent sur son PEA, ce que certains ont fait en février 2009 quand la bourse était au plus bas. A moins d'avoir une antériorité de plus de 8 ans sur le PEA, on ne peut retirer les dividendes générés, ce qui oblige à payer son crédit sans pouvoir profiter des "intérêts" produits par le placement. Évidemment ce genre de crédit à la consommation ne se fait pas sur 20 ans.
Cette utilisation de l'effet de levier du crédit est assez douce, puisqu'on sait où l'ont va. On s'engage (dans l'exemple) à sortir 200 € par mois que le placement se déroule mal ou bien, on a pas de surprise sur les "cash flow" de l'opération, juste éventuellement une déconvenue quant au résultat final.

Stratégie n°2 :

Je décide d'emprunter une plus grosse somme au départ. Je me sert de mes 200 € d'effort d'épargne et des intérêts générés par le placement pour rembourser mon crédit. Ainsi au terme des 20 ans, j'aurai enfin acquis cette grosse somme empruntée depuis le début (ni plus ni moins). On peut ainsi emprunter 188714 € ! On ne mettra que 200 € de sa poche pour acquérir cette somme en 20 ans promis ! Cette méthode permet d'avoir plus du double du capital généré par un placement basique de 200 € sur mon livret magique.
Cette situation illustre ce qu'il se passe dans l'immobilier. On achète la maison (achat du capital dès le départ) et l'on se sert des loyers des locataires pour rembourser (en partie) le crédit. Bien sur dans l'immobilier, le capital n'est pas garanti (mais il peut aussi croitre).
Cette méthode engendre aussi plus de risque, car je ne suis pas certain de mon effort d'épargne si mon placement se passe mal. Une variation du rendement de mon livret aura un impact plus significatif sur le résultat final et pourra me mettre en difficulté en me demandant un effort d'épargne plus gros que ce qui était souhaité initialement. Phénomène bien connu des propriétaires ayant des locataires indélicats.

Stratégie n°3 : vers un rendement infini (et au delà).

J'emprunte une somme : partons sur les 33004,37 € générant un effort d'épargne de 200 € en pire cas.
Je place cette somme sur mon livret, et je me sert des intérêts et du capital pour rembourser mon crédit. Ainsi pas un seul euro ne sort de ma poche. Il me reste 16843 € sur mon livret à la fin de l'opération ! Le TRI de l'opération est ici "infini" puisque j'ai généré un capital sans effort d'épargne.
Cette méthode est bien sur utilisable dans la limite de ma solvabilité (le montant qu'une banque est prête à me concéder).
Cette situation illustre ce qu'il pourrait se passer par exemple dans l'achat à crédit de SCPI (il faut un produit où les intérêts ainsi que le capital soient disponibles et divisibles). Je profiterais des loyers de ma SCPI, tout en vendant petit à petit les parts pour m'aider à payer mon crédit (en prenant la très vulgaire et improbable hypothèse de revendre les parts à leur prix d'achat). Le TRI qui en ressortirait serait boosté de façon artificielle. Je ferais des miracles en tant que CGPI en montrant mes simulations excel à 30% de rendement !
Bien sur dans cette hypothèse, les risques pris sont maximum. Je peux me retrouver (si cela se passe mal) à manger tout le capital de mon "livret" et à devoir verser au final 200 € de ma poche à fond perdu.

En conclusion, il y a plusieurs façon d'utiliser l'effet de levier du crédit (suivant que les intérêts/capitaux du placement sous-jacent sont disponibles), mais il ne faut pas se voiler la face, dès qu'il y a un delta positif à exploiter entre un placement et un crédit, il y a peut y avoir des possibilités de rendement infini, qui ne doivent pas masquer le risque et la volatilité qui en découlent. Ce que je fais dans mes propres simulations, j'introduis une écart "epsilonesque" dans le taux de mon sous-jacent et je mesure l'impact sur le TRI final. Cela permet de mieux appréhender la démultiplication des risques pris.

4 commentaires:

  1. Hello Yann.

    Article extrêmement instructif, comme je les aime. Il reste toujours ce fameux taux d'endettement de 33/35% qui conditionne toujours l'octroi d'un prêt, mais c'est une norme qui peut être éventuellement dépassée par certaines banques.

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  2. Bonjour,

    Merci pour votre article.
    Pouvez vous détailler le calcul qui donne 188714 dans la 2ème stratégie svp ? existe-t-il une formule excel pour le faire ?

    Merci d'avance

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  3. La formule donnant le coefficient de proportionnalité pour obtenir la mensualité d'un prêt en fonction de son taux T (en taux annuel proportionnel) et de sa durée N (en mois) étant M(T,N)=C*(T/12)/(1-(1+T/12)^(-N)). Soit une mensualité de M(T,N)*X où X est le montant emprunté.
    Soit T0 le taux du placement sous-jacent. Il convient de résoudre l'équation (M(T,N)-T0/12)*X=200 . Soit X=200/(M(T,N)-T0/12)

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