Le système d'imposition est fort mal connu de ses contribuables, et chaque année, je m'évertue à en expliquer les bases à mes élèves.
1) Une participation selon ses moyens.
En classe de terminale, beaucoup d'élèves pensent que l'imposition est une sorte de "flat taxe", un pourcentage égal pour chacun de rétrocession à l'état de ses revenus. Après tout on gagne peu, on reverse proportionnellement peu, on gagne beaucoup, on reverse proportionnellement beaucoup. Il est difficile d'expliquer et de justifier aux yeux des élèves que les personnes gagnant plus payent proportionnellement plus d'impôt. Je justifie la chose en parlant de revenu minimum pour survivre, et du superflue de l'argent gagné au delà d'un certain seuil, en précisant que certains paradis fiscaux prennent le contre pied et se financent sur des taxes à la consommation, sorte d'impôt "flat taxe" caché qui avantage les plus riches.
2) Les tranches d'imposition : l'impôt est une courbe continue.
L'impôt fonctionne donc en France par tranche d'imposition. Les 6000 premiers euros gagnés ne sont pas taxés, les 6000 suivant taxés à 5,5%, les 13 000 suivant à 14% etc...
Contrairement à ce que l'ont pourrait croire, si on change de tranche parce qu'on a gagné 1 euro de trop, il n'y a rien de catastrophique, pas "d'effet de marche" qui nous ferait payer beaucoup plus d'impôt que si on gagnait 1 euro de moins. Cet euro de trop sera par exemple taxé à 30% au lieu de 14%, je fais le lien avec le programme de mathématiques en expliquant que la courbe de l'imposition est continue.
3) L'impôt déclaré à deux.
Quand on déclare ses impôts en couple, le système considère que la totalité des 2 revenus est gagné à part égale par le couple. Ainsi, si je gagne 20 000 € et ma compagne 60 000 € et que nous faisons une déclaration commune d'imposition, le système nous fera payer autant que si on déclarait chacun de notre coté 40 000 €. Cela ne change donc absolument rien si les 2 personnes qui font une déclaration sont dans la même tranche d'imposition (sauf décote voir après). Par contre, si une grande différence de revenu existe entre les 2 déclarants il y a un effet "vases communiquant". Les revenus qui devraient être taxé sur les plus hautes tranches pour le déclarant aisé basculent sur les tranches plus faibles du déclarant plus modeste jusqu'à l'équilibre. La déclaration à 2 favorise donc les couples aux revenus disparates (typiquement les couples avec mère au foyer).
4) L'impôt avec des enfants.
Le principe de déclaration avec des enfants est un peu le même que la déclaration d'impôt à deux. Les deux premiers enfants donnent droit à une demi part, les suivants à une part complète. Si un couple a deux enfants, ses revenus seront donc taxés comme 3 personnes déclarant chacune un tiers des revenus totaux. Ce système avantage surtout les plus aisés, et il peut sembler injuste qu'un enfant de "riche" lui apporte une réduction plus importante sur ses impôts qu'un enfant de famille plus modeste. D'ailleurs, ce mécanisme est plafonné selon le célèbre "plafonnement du quotient familiale", qu'Hollande a revue à la baisse à 1500 € par demi part. En gros, pour un couple avec 2 enfants, les impôts font 2 calculs : Le calcul normal avec 3 parts, et le calcul de votre imposition sans enfant avec 2 parts. Si on se rend compte que vos enfants génèrent une économie d’impôt supérieur à 3000 € (1500 * 2), vous serez imposé selon le calcul sans enfants minoré de 3000 €. Ce système évite que les enfants des foyers les plus aisés ne génèrent des réductions d'impôt trop fortes.
Une conséquence non négligeable, est que si l'on se heurte au plafonnement du quotient familiale, sa TMI est celle de son imposition sans enfants.
5) Le phénomène de décote. (phénomène modifié en 2015 voir ici)
Certains qualifient ce mécanisme de décote de "rustine pour que les smicard ne payent pas d'impôt" et a mon avis ils doivent êtres proche de la vérité. Le mécanisme : si votre déclaration vous amène à payer moins de 960 € vous avez une "décote" (878 € avant 2013, Hollande a revalorisé le plafond pour que les smicards ne soient pas pénalisés par le gèle des barres d'impôt). Cette réduction d'impôt ou décote est égale à 480 - Impôt à payer/2. Exemple, vous devez payer 800 € d'impôt avant décote. Vous avez donc droit à une réduction de 480-800/2=80 € et ne payez finalement que 720 € d'impôt. Autre exemple, vous devez payer 320 € d'impôt avant décote, vous avez droit à une réduction de 480-320/2=320 € et finalement vous ne payez rien ! Là où ce phénomène est particulièrement injuste, c'est qu'il ne tient absolument pas compte du nombre de parts fiscales du foyer. Si vous êtes 2 personnes éligibles à la décote et que vous déclarez ensemble, vous perdrez de l'argent.
Exemple : 2 personnes ont un impôt de 320 € avant décote et ne payent donc rien après la décote (cf calcul précédent). Si ces 2 mêmes personnes font une déclaration commune, elles auront 640 € d’impôt à payer et donc après décote de 480-640/2=160 € ces 2 personnes paieront 480 € d'impôt à 2 ! Et 480 € d'impôt en plus à payer quand on gagne des salaires proches du SMIC, c'est pas du tout négligeable. Voilà un système de calcul particulièrement mal pensé qui fait que des personnes modestes n'ont pas intérêt à faire de déclaration commune (et donc pas de mariage) sous peine de perdre 500 € par ans. Le calcul devrait idéalement être : si on paye moins de 960*nombre de parts fiscales, on a une réduction de 480*nombre de parts fiscales -impôt/2 afin de ne pas pénaliser les déclarations communes, mais je me demande si il y a vraiment des têtes pensantes derrière toutes ces règles alambiquées et mal harmonisées.
Conclusion : la déclaration commune d'impôt avantage les plus aisées et particulièrement les couples ayant des revenus très disparates. Elle peut pénaliser jusqu'à 480 € par ans les couples les plus modestes.
Bonjour, tres interssant ce post. Votre blog l est de maniere generale. Continuez ainsi!
RépondreSupprimerJ ai une question relative aux impots qui debrait vous interesser. Depuis la derniere loi de finances, il me semble que l impots sur les plus valies de produits de placements financiers fonctionnent de la maniere suivante : un prelevement forfaitaire liberatoire qui sert en fait d acompte aux impots est preleve puis la fiscalite sur les peoduits de placement est calculee au taux de la TMI. Le cash flow paye aux impors apres declaration fiscale est donc la difference entre la fiscalite calculee a la TMI diminuee du PFL. Sauf que cela ne s applique que lorsque le produit de placement est superieur a 2000 euros. Donc lorsque le contribuable a jne TMI qui depasse le taux du PFL, il y a une zone de produits financiers qui lui fait payer plus d impots que s il s etait "arrete" a 2000 euros de podiits de placements. Si l on devait faire un graphe avec en abscisses les produits de placement et en ordonnees le produit net de fiscalite, on obtiendrait une dent de scie avec jne zone entre 2000 euros et 2000 euros + X dans laquelle il ne vaut mieux pas tomber. Dans ce cas, il vaut mieux une fois atteint les 2000 euros de produits de placement dans l annee placer sa tresorerie dans des produits de type assurance vie ne generant pas de produit financier dans l exercice fiscal. Il serait interessant que vous ecriviez un article sur cette aberration fiscale et le necessaire calcul des produits de placement.
2 precisions
RépondreSupprimer- je m excuse pour les fautes d orthographe. J ecris d un ipad donc pas pratique
- en deca de 2000 euros, la fiscalite correspond au taux du PFL et il y a ce que cous appelez le phenomene de marche a partir de 2000 euros selon lequel la TMI s applique a l ensemble des produits de placement financier au dela de 2000 euros de produits
Effectivement, avec ces histoires de PLF en dessous de 2000 euros de dividendes pour "épargner les petits épargnants", les impôts ont introduit une discontinuité dans le système d'imposition. Avec les exceptions et autres effets de bords qui se multiplient, cela risque de malheureusement être de plus en plus courant. On voit bien que le système de base à un bon fond mais que les rustines successives le rendent indigeste. Vivement qu'un gouvernement ait le courage de tout réformer et de reposer les règles à plat comme le suggère par exemple le site révolution fiscale.
SupprimerMerci à vous pour vos encouragements et votre commentaire.
Hello Yann.
RépondreSupprimerJ'apprécie beaucoup ton article qui est très clair, en plus c'est un sujet généraliste qui touche tout le monde et l'on ressent que tu maitrises bien ton sujet.
Je ne savais pas que tu connaissais aussi "le site révolution fiscale", qui offre des pistes intéressantes pour des réformes équitables. Personnellement, je me définirais comme "un social libéral" (libéral dans le bon sens du terme, parce que ce mot a une connotation péjorative) mais je m'étonne encore que des mesures de bon sens n'aient pas été prises pour pérenniser notre modèle social.
L'on se demande d'ailleurs, au passage, si la réforme du quotient familial ne vise pas à faire réfléchir le membre du couple qui gagne le moins et qui va se poser la question suivante : quel est l'intérêt de travailler pour dépasser le plafond ? financièrement, je ne pense pas qu'il y ait un intérêt quelconque.
J'aimerais, comme tu le dis, que l'on puisse remettre les choses à plat au niveau fiscal. J'ai parfois l'impression que les choses évoluent trop lentement et qu'il y a des barrières.
@ bientôt
Bonjour,
RépondreSupprimerJe tombe sur votre article après un détour sur le Blog Patrimoine.
S'il est clair, je voudrais rebondir sur votre conclusion. La déclaration commune d'impôt bénéficie aux plus aisés ... parce qu'il sont les plus taxés. Est-ce réellement un avantage ?
Il me semble que plus globalement, une vrai interrogation existe sur l'existence même des mécanismes de quotient conjugal et familial. Ne devrait-on pas envisager une taxation individuelle et un forfait pour les enfants (ce dont nous rapproche la baisse du plafond du quotient familial).
Dans notre système actuel, la taxation des célibataires sans enfants est hallucinante. Doivent-ils être les vaches à lait du système ?
Cordialement,
Arnaud Sylvain
Bonjour Sylvain,
RépondreSupprimerAutant je trouve le mécanisme du quotient familiale assez contestable (pourquoi un enfant de "riche" rapporte plus qu'un enfant de "pauvre"), autant le mécanisme du quotient conjugal me parait assez logique. Lorsque l'on est marié et que les biens sont commun, pourquoi l'enrichissement d'un couple aux revenus disparates serait-il plus taxé que l'enrichissement d'un couple aux revenus égaux (à somme de revenu constante bien sur). Peut être réserver le système de quotient conjugal aux couples mariés sous des régimes de communauté universelle ou réduite aux acquêt ? Je connais les arguments de révolution fiscal sur l'incitation du travail aux femmes, mais ils ne m'ont pas convaincu (là où beaucoup d'autres de leurs arguments m'ont convaincus)
Dans notre système, la taxation des célibataires sans enfant est la même que celle des couples sans enfant aux revenus comparables non-disparates. J'étais dans la tranche à 30 % avant mes 28 ans, maintenant je gagne plus et suis dans la tranche à 14% "grâce" à mes enfants, mais honnêtement, mon train de vie a bien diminué, mon pouvoir d'achat est bien moindre qu'a l'époque où je gagnais moins mais sans enfant. C'est cependant un choix dont je me félicite tous les jours, mais vous comprendrez bien que de part mon expérience personnelle, je ne vais pas pleurer sur la TMI des gens sans enfants, pour avoir connu les 2 situations (avec et sans enfants) je ne trouve pas cela "injuste".
Non, ce qui m'énerve bien plus (mais cela doit être mon coté mathématicien qui aime les choses logiques), c'est les discontinuités du système. Tout cela car on hérite d'un système de tranche inamovible (0->5.5->14->30->41 ...) avec des paliers eux même proportionnellement fixés (les paliers sont revues de l'inflation régulièrement, mais restent proportionnellement les mêmes donc). Il faudrait un système plus souple permettant de positionner les tranches où l'ont veut avec le taux d'imposition que l'ont veut plutôt que de faire apparaitre des mécanismes pour "tronquer les marches" des paliers et faire apparaitre des TMI à 21% cachées (le début de la tranche à 14% est en fait une tranche à 21% via ce système de décote). Mais bien sur Hollande a préféré renforcer ce système de décote pour 2014.
Bien cordialement,
Yann P
Vraiment intéressant votre billet, j'ai beaucoup appris.
RépondreSupprimerMerci encore
Alban